Il y a eu ces dernières semaines sur Wikipédia en anglais et en français deux incidents distincts qui nous ramènent à un problème récurrent concernant le traitement de l’information en général, et dans l’encyclopédie en particulier: la meilleure façon d’être satisfait d’un article biographique vous concernant… c’est probablement qu’il n’y ait pas d’article vous concernant.
Soyons clairs: le traitement des biographies sur Wikipédia n’est ni pire ni meilleur qu’ailleurs – j’en veux pour preuve que plus d’un journaliste ou politicien s’est fait prendre la main dans le sac d’inspiration (le terme technique et moins flatteur serait “plagiat”) que propose le projet wikipédien. Fort heureusement, cela reste assez anecdotique et l’immense majorité des contenus pointent vers des sources par ailleurs publiquement disponibles.
Cela étant dit, la présence de ces sources et leur traitement nous rappelle également une constante du monde de l’information: on ne parle jamais que des trains qui arrivent en retard. C’est un biais reconnu que plus une information sort de la norme ou s’avère négative, plus facilement elle sera rapportée par les médias. Sur Wikipédia, cela se traduira probablement par une section exagérément développée, surtout si par ailleurs le reste de l’article s’en tient au minimum syndical.
Mais ce n’est pas vraiment nouveau et, pour être honnête, ce n’est pas la faute de Wikipédia ou des Wikipédiens (blâmons plutôt la société dans laquelle nous vivons). Mais disons que vous êtes célèbre ou modérément célèbre, et dans tous les cas suffisamment notable pour mériter une notice biographique sur le projet encyclopédique, quelle qu’en soit la langue. Vous pourriez, par exemple, être éditorialiste au Washington Post, ou Procureur général de Genève.
Dans le premier cas, Gene Weingarten avait un problème avec la photo illustrant l’article le concernant. Après plusieurs tentatives infructueuses pour effacer celle-ci, il finit par utiliser le seul moyen à sa disposition et mentionna l’affaire dans un éditorial du WaPo. Dans le second cas, c’est Daniel Zappelli qui fait les frais de la rancoeur de plusieurs éditeurs anonymes au cours des ans (tant en anglais qu’en français, Genève est après tout une ville internationale), tant et si bien que quelqu’un demande, en son nom, la suppression des deux articles (une demande refusée par la communauté à chaque fois; un article mal écrit – ce que personne n’a disputé- ne voulait pas dire non notable)1.
Quelle leçon tirer de ces (més)aventures – à part le fait que la communauté wikipédienne n’est pas encore au point en terme d’accueil des néophytes? Le point commun entre MM. Weingarten et Zappelli est qu’insatisfaits de la qualité d’une image ou d’un texte existants, ils ont essayé de les effacer. Sauf que, sur Wikipédia, on ne remplace pas quelque chose avec du vide2. C’est l’une des premières choses que nous expliquons à nos clients (compagnie ou individus) avant même d’entrer en matière: un article acceptable n’est pas forcément un article idéal, et si une information présente est vraie (et corroborée par des sources de qualité), les chances de la voir disparaître sont quasi-nulles. La meilleure stratégie, dans ce cas, est de simplement améliorer l’article dans son ensemble de manière à replacer les informations dans leur contexte et leur importance relative (quitte pour M.Weingarten à passer chez le photographe).
De manière générale -et cela s’applique à tous les médias dans notre époque d’hyper information-, le seule moyen d’éviter qu’une information négative vous concernant soit rapportée est soit d’être un(e) saint(e) (et encore), ou de faire en sorte que personne ne s’intéresse à vous.
Et si vous avez des questions à propos d’une entrée biographique ou sur les bonnes pratiques wikipédiennes, contactez nous.
1. Le grand gagnant à ce jeu reste sans contexte l’ancien député allemand Lutz Heilmann: reprochant à sa notice de mentionner un passé trouble d’agent de la Stasi, il n’a rien trouvé mieux que de faire bloquer le nom de domain wikipedia.de dans son intégralité. Un échec retentissant (l’article n’a pas bougé et la presse s’est saisie de l’affaire avec gourmandise), et un cruel rappel de l’Effet Streisand.
2. Une percée conceptuelle qui, de fait, s’applique à quasiment tout le domaine des communications.
Photo sous licence Cc-by-SA. Auteur: Blackbow17. Une version en anglais a été publiée chez nos confrères de Sucomo.